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Sur les traces de Tolkien : Landerneau, 25 juin 2023-28 janv. 2024

6 octobre 202310 min read

L’exposition de John Howe rassemble 250 œuvres où se crée un imaginaire inédit, source de multiples représentations artistiques, jusqu’au cinéma. C’est l’occasion de voir l’importance de l’héritage de Tolkien dans l’ensemble de la création artistique et ludique.

L’esprit chevaleresque, les compagnons d’aventures, les créatures féeriques, les enchanteurs, ou encore les dragons peuplent les récits des contes et légendes qui forgent l’«imaginaire médiéval». Cet univers fantastique a constitué à travers le temps une source d’inspiration pour les peintres, les romanciers,
les compositeurs, et s’impose de nos jours sur les grands et petits écrans, dans les bandes dessinées, ou les jeux vidéo. Certaines de ces légendes, à l’instar de celle du roi Arthur et des chevaliers de la Table ronde, s’ancrent si intensément dans notre culture populaire que nombreux sont ceux qui les croient véridiques. L’imaginaire médiéval trouve ses racines chez les poètes et conteurs du Moyen Âge, mais les origines de la plupart de ces mythes ancestraux proviennent d’une tradition orale venue du fond des âges.

The Forest Realm, Concept art pour la trilogie Le Hobbit réalisée par Peter Jackson © FHEL 2023
The Forest Realm, Concept art pour la trilogie Le Hobbit réalisée par Peter Jackson © FHEL 2023

L’univers épique du seigneur des anneaux

Si les épopées, la magie, les créatures merveilleuses ou démoniaques peuplent l’imaginaire médiéval, elles accompagnent depuis toujours les récits des humains et intègrent toutes les mythologies du monde. Parmi les textes fondamentaux de l’imaginaire médiéval, Beowulf, poème épique de plus de trois mille vers, s’impose comme une œuvre majeure de la littérature anglosaxonne. Composé aux environs de l’an 750, ce récit héroïque s’inspire d’une antique légende scandinave. Transmis par un manuscrit du Xe siècle, l’exemplaire unique sur parchemin fut partiellement endommagé par l’incendie qui ravagea la bibliothèque de Sir Robert Bruce Cotton, son possesseur au XVIIe siècle.

Royal Assassin (L’Assassin royal) Royal Assassin, Volume 2 de The Farseer Trilogy de Robin Hobb, Subterranean Press, 2016 Encre et aquarelle sur papier, 45 × 69,5 cm

Beowulf exercera une influence remarquable sur l’inspiration romanesque de Tolkien, autant que sur sa vie d’universitaire. Le professeur s’attellera à une traduction et donnera des conférences qui connaîtront une consécration en 1936, par la lecture de son exposé «Beowulf: les monstres et les critiques» devant la British Academy. Passionné par le lyrisme épique de Beowulf, Tolkien déclarera: «Ce poème se rapproche de la peinture!»

Les Créatures fantastiques

Décrits comme des serpents volants par les Grecs antiques et les Sumériens, représentés sur la tombe chinoise d’un site néolithique datant de plusieurs milliers d’années, les dragons ornent également les étendards assyriens, parthes, scythes, romains, bretons et, bien sûr, les drakkars des Vikings, dont ils sont l’emblème. Le dragon se dresse, fatal adversaire du héros de l’ancestral poème épique Beowulf. Il constitue en cela l’une des toutes premières apparitions de dragon dans la littérature européenne. Omniprésent au Moyen Âge, le dragon est représenté sur les blasons, les boucliers, les miniatures, les sculptures, et symbolise le démon ultime s’opposant au bien et affrontant les saints, comme dans le combat mythique de la légende de Saint Georges et le dragon. Dans les légendes arthuriennes, afin d’intimider ses ennemis, Uther, le père du roi Arthur, se fera appeler Pendragon, titre honorifique signifiant «Tête de dragon».

The Dark Tower, The Tolkien Calendar, 1991 © Allen & Unwin, 1990 © FHEL 2023

La féerique Terre du Milieu

L’immensité des mondes décrits par Tolkien semble avoir pour origine un seul mot: Eärendil!
En 1913, récemment affecté à l’école anglaise d’Oxford, Tolkien découvre, parmi les textes du programme de l’année, un poème du VIIIe siècle: le Crist de Cynewulf. Cynewulf fait partie des rares poètes de la période anglo-saxonne dont on connaît le nom transcrit dans certains de ses poèmes à l’aide de runes. La lecture de ces vers bouleverse soudain Tolkien: «Je vous salue, Éarendel, le plus radieux des anges, envoyé parmi les hommes sur la terre du milieu!». Fasciné par ces mots qui déclenchent en lui une imagination infinie, Tolkien rédige en hommage à Cynewulf le poème Le Voyage d’Eärendil. Il pose ainsi la première pierre de son grand œuvre. Eärendil deviendra le premier personnage imaginé par Tolkien dans la rédaction de sa mythologie.

A Wizard is Never Late (Un Magicien n’est jamais en retard) A Middle-Earth Traveller de John Howe, publié par HarperCollinsPublishers, 2019 Encre et aquarelle sur papier, 41,5 × 63 cm

À travers les batailles épiques sur la Terre du Milieu, la trilogie du Seigneur des anneaux ébauche une prise de conscience écologique, générée sans doute par les découvertes des scientifiques de l’époque, dans le sillage du révolutionnaire ouvrage sur L’Origine des espèces du naturaliste Charles Darwin (1859). À l’université d’Oxford, Tolkien fait la connaissance du professeur de botanique Sir Arthur George Tansley, qui a popularisé le terme «écologie», en participant notamment à la fondation de la British Ecological Society en 1913 et à la publication du Journal of Ecology pendant de nombreuses années. Amoureux de la nature depuis son enfance, Tolkien suivra attentivement les travaux de Tansley, dont l’ouvrage Les Îles Britanniques et leur végétation constituera une source d’inspiration. On compte, en effet, pas moins de soixante-quatre espèces différentes de plantes sauvages dans Le Hobbit et Le Seigneur des anneaux.

L’artiste : John Howe

Photo Lucas Vuitel

Artiste de renommée internationale, John Howe a d’abord illustré les romans de Tolkien, avant de participer à la direction artistique des deux trilogies cinématographiques Le Seigneur des Anneaux, et Le Hobbit aux côtés du réalisateur Peter Jackson. Plus récemment, il a également pris part à la création artistique de la série Les Anneaux de Pouvoir. L’évocation des influences poétiques et mythologiques ancestrales permet de percevoir à quel point la richesse de l’œuvre romanesque de Tolkien et de l’imaginaire médiéval puisent leurs sources dans la résonance de ces temps lointains. L’exposition est complétée par d’authentiques objets d’époque médiévale (armure, épées…) et ponctuée d’œuvres contemporaines de Tolkien.

The Barrow-downs © A Middle-Earth Traveller, John Howe © HarperCollinsPublishers, 2019 © FHEL 2023

Le dessin constituant la principale occupation de sa jeunesse, John Howe postule à dix-neuf ans pour entrer à l’école des Arts décoratifs de Strasbourg. Son arrivée dans la ville alsacienne constitue une véritable révélation, lorsqu’il découvre l’impressionnante architecture de la cathédrale de Strasbourg. «Ça existe vraiment! s’exclame-t-il alors. J’ai découvert pour la première fois l’architecture gothique en France, explique John Howe, le Canada est un pays jeune, en particulier l’ouest du Canada, par conséquent ma connaissance de l’histoire de l’architecture, sans être totalement absente, restait théorique et issue des livres. Contempler réellement une cathédrale constitua un immense choc culturel. Cela m’a sans aucun doute ouvert les yeux, et depuis lors, je me suis efforcé de les garder ouverts.»

The Ravens, Cathédrale © Éditions Bueb & Reumaux, Strasbourg, 1985 © FHEL 2023
FHEL_SUR LES TRACES DE_Photo Nathalie Savale © FHEL, 2023 (13)
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