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Les spectacles de lumières psychédéliques de 1967 à 1980

9 juillet 202417 min read

   Issus des performances artistiques avant-gardistes des années 1960, les spectacles de lumière liquide « light shows » sont devenus le compagnon incontournable des concerts et des clubs dans les années 1970. Cette forme d’art lumineux accompagnait les groupes de rock tels que Jefferson Airplane et Pink Floyd et donnait une ivresse synesthésique aux spectateurs. LSD, art & rock’n’ roll!

    Le light-show est censé créer une ambiance, un environnement total, de façon à rendre complémentaire le son et l’image. Il est compréhensible que cette forme de spectacle total ne puisse être décrite. Elle doit être vécue. Il n’y a pas de technique propre au light-show, il y a avant tout la recherche d’un « effet », où tous les systèmes de projection sont utilisés, séparément, ou ensemble : fondu, enchaîné, cinéma 8 ou 96 mm. Cela ne veut pas dire que le light-show soit une projection d’images en vrac. Ces images sont programmées et animées en fonction de leur accompagnement musical. Elles opèrent la plupart du temps, une progression et une liaison entre chaque image, cette liaison se faisant soit par des formes soit par des couleurs.

 

Historique et différences des Etats-Unis et de l’Europe

      Les spectacles de lumière liquide sont apparus des deux côtés de l’Atlantique vers 1966 et ont fait partie intégrante de la scène musicale psychédélique.  Ils reposent sur un dispositif pluriel, alliant projections de films en « super 8 », lumières stroboscopiques, bruits épars (battements de cœur…), caméras branchées en circuit fermé, photos et diapositives de couleur liquide constitués d’huile, d’eau, de salive, de colorants, se mouvant lascivement ou en rythme. Ils pouvaient être constitués d’un seul opérateur avec deux ou trois projecteurs de diapositives ou rétroprojecteurs modifiés et quelques roues de couleur. Mais ils pouvaient être plus complexes, avec jusqu’à dix opérateurs qui s’occupaient de plus de 70 projecteurs. 

 

Le style et le contenu de chaque spectacle étaient uniques, mais la majorité d’entre eux avaient pour but de créer une mosaïque d’éléments audiovisuels en constante évolution qui reflétaient la musique pour créer un environnement immersif. Bien que les spectacles des deux côtés de l’Atlantique aient beaucoup en commun, ils diffèrent sur leurs techniques. Tout d’abord, les spectacles américains avaient tendance à être plus importants. Les spectacles américains étaient généralement construits autour du rétroprojecteur avec les liquides dans de grands verres à couvercle d’horloge. En revanche, les spectacles en Angleterre étaient moins contraignants en utilisant des projecteurs qui fonctionnaient avec de grands disques transparents souvent peints à la main. Ces shows permettaient d’avoir moins d’artistes derrière les projecteurs. 

 

 

Mark Boyle Sensual Laboratory

mark boyle

   L’artiste et inventeur de légende Mark Boyle et son Sensual laboratory vont marquer fortement les concerts de Pink Floyd, Jimi Hendrix et les soirées mythiques de l’UFO club qui créeront la scène psychédélique anglaise et européenne. Une de ses performances révolutionnaires en 1968 était controversée « Bodily Fluids and Functions » Il s’agissait d’un couple copulant sur scène tout en étant connecté à un Electro cardiogramme et un Electro encéphalogramme projetés depuis une télévision en circuit fermé sur un écran géant.

 

Avec les battements de cœur et les ondes cérébrales affichés, chaque seconde de l’expérience. Pour Boyle, l’énergie nerveuse nécessaire pour relier la musique et les images, faisant coïncider deux expériences sensorielles disparates, provoquait « l’excitation, la satisfaction, le plaisir ». La « synchronisation » de la musique de Soft Machine, comme les images projetées, formaient un flux irrégulier, complexe, avec des interruptions et des explosions inattendues, comme des nuages qui passent rapidement, suggérant continuellement de nouvelles significations et relations, des sons et des images qui se soutiennent, s’entrechoquent ou se répondent comme un écho. Pour creuser on vous conseille ce lien et celui ci.

 

wheel of light acid wheel light fantastic limited
wheels of light cosmic flare oil wheel optikinetics
affiche spectacle de mark boyle

 

Techniques utilisées

      Les spectacles en Angleterre et en Europe, utilisaient des projecteurs de diapositives modifiés de 2 pouces carrés. Des colorants à base d’eau de différentes couleurs étaient utilisés dans chaque couche, qui bouillaient lentement en produisant des bulles de vapeur pulsantes lorsqu’ils étaient exposés à la chaleur de la lampe du projecteur, les filtres thermiques étant retirés. Par conséquent, des gouttes de couleur se déplaçaient de manière aléatoire projetées sur l’écran, créant ainsi un spectacle lumineux. Avant que les couches projetées ne soient totalement sèches, une nouvelle diapositive était insérée dans le porte-diapositives du projecteur, tandis que l’ancien verre était retiré, nettoyé et repeint avec de nouveaux colorants et que le processus de projection se poursuivait.

wheels of light space panorama wheel orion david a hardy
groupe mandala

Les light shows en France 

   Le Groupe Mandala est à géométrie variable (Jean-Claude Bailly, Jacques Nortier, Thierry Spitzer, Alain Diester et Elizabeth Kapnist), ils apprécient plus encore que l’aspect strictement philosophique, l’apport esthétique de l’orientalisme. Le problème est que le light show vient effacer les « trucs » de scène des « pop star », les musiciens doivent se fondre dans un ensemble, presque disparaître. Le groupe fera pendant de nombreuses années les lumières de plateaux TV de l’ORTF.  

 

En France, le principal collectif utilisant ces techniques s’appelait le groupe Mandala. En 1967, ils étaient liés avec Jean-Jacques Lebel qui a publié plusieurs ouvrages sur les problèmes des hallucinogènes (“ Dossier LSD ”, “ Essai sur l’expérience hallucinogène” ). J.C Bailly du groupe Mandala nous dit « Cette année-là nous avons participé à la semaine de la libre expression au Théâtre Fontaine à Paris. Puis ce fut la rencontre d’un mécène (Christian Cannone, des pastilles Valda) qui permet de nous équiper convenablement. » Des cinq ou six groupes de light show professionnels qui existaient en France (15 000 light de Vasco, Open Light, Barved Zumizion, Josas, Whizz) Mandala etait actif pendant près de 10 ans à partir de fin 1969, puis pour de l’évenementiel ou encore sur les plateaux de télévision. Ils ont tourné en Europe avec des dizaines de groupes de l’époque (de Black Sabbath à Jimi Hendrix, de Gong à Brian Auger) et formés par Mark Boyle qui faisait les lumières pour Pink Floyd… “L’Olympia nous a donné notre première vraie chance, Coquatrix nous a alors demandé la conception de l’environnement lumineux de la Taverne de l’Olympia. Vingt-cinq machines automatiques y assurent le light sans intervention humaine. Cela nous a permis l’achat de 5 millions de nouveau matériel”. Jean-Claude Bailly

 

Il convient de mentionner d’autres pioniers sur la scène française underground :

– le Whizz lightshow de Francois Decourbe qui tournait entre autres avec le groupe Gong (Daevid Allen (Ex-Soft Machine), Tim Blake (Hawkwind) ou encore Didier Malherbe) et est toujours actif, ci joint en concert avec Zombie Zombie. 

– en province le Androïde lightshow de Robert Chouraqui ou celui de Vasco, retrouvez leur histoire ci dessous.

 

vasco
le groupe Gong avec François Decourbe
Le groupe Gong avec François Decourbe (Whizz lightshow) et Tim Blake 2ème en partant de la gauche
cosmic trip wheel by Jennie Caldwell

Effets sur les spectateurs

 Ces performances étaient effectuées en direct et synchronisées sur le tempo de la musique et mettaient les spectateurs en transe, sans besoin de psychotrope car l’éclectisme de leurs techniques permettait de mêler les cinq sens humains.

 

Avec la démocratisation des supports vidéo dans les années 1980, ces spectacles lumineux artisanaux vont disparaître pour laisser place à un nouveau courant avec l’arrivée des raves dès le début des années 1990 : les vidéo jockey (VJ’s).

     Mais revenons un instant sur les Light-shows évoqués plus haut qui sont un des points de départ de l’intention proposée ici. Ces spectacles multimédias dissolvent la temporalité de la réalité par un dynamisme et un cinétisme envoûtant. Ils tendent à une communication avec l’ailleurs qui

exalte l’existence dans sa plénitude métaphysique et sensuelle et renouvelle le corps de l’homme-nature. 

 

Le participant est déstabilisé, tiraillé entre agression et appréciation; il s’abandonne corps et âme, illuminé et halluciné, emporté par les couleurs, l’ambiance et les sons. Il lui est présenté une sorte de mise en abyme du spectacle où les corps se multiplient à l‘infini. Les données abondantes ne peuvent être filtrées par son esprit, ne pouvant saisir ces repères disloqués, sa raison s’en remet aux sens, il voit la musique et entend les images. 

wheels of light fire wheel phuto by cassidy design

       La scène des lights show reste encore vivante de nos jours malgré l’évolution technologique des visuels qui s’est fortement dévelopée avec le mapping vidéo. Depuis 1972, bon nombre d’artistes tels que Jeff Mills, Maresia Lightshow en Espagne spécialisé en overhead liquidsCaptain D.Light à Toulouse, Bernd Koch de Psycho-Lights persistent depuis 30 ans en Allemagne, Pays Bas et Angleterre. De plus, des projecteurs se vendent actuellement, destinés à des structures psychiatriques, autistiques et autres établissements spécialisés. Un aspect calme et apaisant leur sont attribués, considérés comme une source de créativité

 

« Comme le dit limpidement Eléonore Willot dans son livre, « Le light show pourrait aisément être associé à un culte dionysiaque tant il est une invitation pour le public, à communier avec les musiciens à la création cosmique par l’ivresse, l’envoûtement des sens, le plaisir infini de danser en transe pendant des heures durant, avec l’harmonie universelle. Pénétrer ce lieu est comme redécouvrir ce qu’on avait perdu de plus cher : l’instinct de l’amour, de la joie, de la paix; en somme, l’instinct de vivre son existence. »

Jaïs Elalouf 

Remerciements à Roxane Rouge et J.C. Bailly.

 

Light-shows psychédéliques de San Francisco, de Eléonore Willot

 Ce livre est une véritable escale dans le temps, un périple au cœur des sixties. De l’avènement du rock’n’roll à la découverte du LSD, en passant par la Beat Generation, il restitue pour la première fois l’authentique histoire du psychédélisme aux États-Unis.

 

En purifiant les Portes de la Perception, ces jeunes rock’n rollers ont allumé le mythe du Light-Show. Ce n’est ni une simple histoire de drogues, ni une simple histoire de contre-culture. C’ est bien plus que cela. Et, c’est dans l’analyse profonde de cet art que l’on peut enfin comprendre ce qui a amené toute une génération à flotter sur les rives de l’acide lysergique.

 

Retrouvez le Lucydelic podcast avec Eléonore Willot

Wheels of Light : Designs for British Light Shows 1970-1990, de Kevin Foakes

    Ce livre est un hommage lumineux à un pan trop méconnu de la contre-culture britannique. Du psychédélisme abstrait aux planètes extraterrestres, Wheels of Light offre un panorama de la créativité et de l’inventivité d’une génération.

 

Des peintures colorées et des motifs kaléidoscopiques étaient projetés dans les salles de spectacle, des panoramas peints de 360 degrés tournaient lentement dans des projecteurs, ne montrant qu’une partie de l’image à la fois. Le livre Wheels of Light présente les visuels réalisées par les principales compagnies de projection qui ont émergé au Royaume-Uni, notamment OptikineticsPluto and Orion, et raconte leur histoire. Des œuvres abstraites aux visions de l’espace, les designs de ces projections rotatives sont un reflet de la vitalité et de la fantaisie d’une époque.

 

Kevin Foakes est un graphiste sous le nom de Open Mind. Aussi connu en tant que DJ Food (Ninja Tune) et collectionneur qui crée des environnements sonores et lumineux immersifs avec Pete Williams sous le nom de Further.

Photos de Jean-Claude Bailly

formes de lumières colorées, psyché
min min scaled
photo groupe mandala
affiche article journal sur groupe mandala
femme indigène
min scaled
groupe mandala sur scène
spectacle vision d'un crâne
spectacle concert du groupe mandala
groupe mandala sur scène
performance du groupe mandala
petits drapeaux avec des formes colorées
spectroflux audiodisque
article magazine audiodisque
article magazine sur audiodisque

Photos Androïde 

affiche android
android history
androide history

 

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Jaïs Elalouf

Journaliste spécialisé en psychédélisme, art et musique, fondateur de Lucydelic

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