Yayoi Kusama, c’est d’abord une femme qui n’a peur de rien : peinture, sculpture et écriture, l’artiste ose s’attaquer à tout, et avec brio, depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui. Retour sur la carrière d’une femme à la renommée internationale.
Née en 1929 au Japon dans une famille que Kusama qualifie de « toxique », et grandissant durant la Seconde guerre mondiale, l’artiste trouve très vite en l’art un échappatoire face à la dure réalité de son quotidien, mais aussi face aux hallucinations régulières dont elle est victime depuis ses dix ans.
Les réactions sévères et intolérantes de ses proches face à son indépendance et sa créativité ont influencé ses œuvres, la poussant à adopter un message décidément féministe et provocateur, s’engageant à bouleverser l’ordre établi. Après quelques expositions à succès au Japon, Yayoi
Kusama s’envole pour les Etats-Unis afin de faire décoller sa carrière artistique.
Trailer du documentaire Infinity de Yayoi Kusama
L’amour pour la peinture
Malgré une enfance difficile, Kusama manifeste un fort intérêt pour l’art, notamment le dessin et la peinture. Dès l’âge de dix ans, elle passe des heures à dessiner et à peindre et développe peu à peu une obsession pour les pois, lui permettant d’extérioriser les hallucinations dont elle souffre. C’est lors d’un dîner de famille qu’elle vit sa première expérience hallucinatoire, qui aura un impact sur son esthétique, tout au long de sa vie: les tâches qu’elle voit seront au cœur de son concept “self obliteration” durant toute sa vie. Elle explique que ces pois représentent à la fois l’individualité et l’unicité de l’être humain. Ils représentent la connexion entre l’homme et la nature, l’homme ne faisant qu’un avec l’univers.
« Un jour, après avoir vu, sur la table, la nappe au motif de fleurettes rouges, j’ai porté mon regard vers le plafond. Là, partout, sur la surface de la vitre comme sur celle de la poutre, s’étendaient les formes des fleurettes rouges. Toute la pièce, tout mon corps, tout l’univers en étaient pleins »
Aussi, elle s’éprend d’une forte passion pour les citrouilles. Grâce à son art atypique et avant-gardiste, elle crée une série d’œuvres autour de plusieurs expositions internationales. L’une de ses plus célèbres citrouilles, la Citrouille jaune à pois noirs a été exposée en 1994 sur le ponton du musée d’art contemporain de Naoshima, une île japonaise. Cette citrouille est l’une des pièces originelles d’une série de l’artiste.
–> La citrouille, son leitmotiv de la nature
Happenings : l’art vivant
Dès 1966, Kusama s’adonne à la pratique du happening : on y retrouve une obsession pour les pois et les sphères, formes quasi omniprésentes dans ses travaux. Kusama déclare d’ailleurs à son propre sujet, dans son Manifeste de l’oblitération, en 1966 « ma vie est un pois perdu parmi des milliers d’autres pois…». On retrouve la volonté politique et provocatrice de Kusama dans ces happenings, souvent organisés dans des lieux publics et touristiques afin de s’assurer un maximum de visibilité, et mettant en scène des corps la plupart du temps nus. En 1973, Kusama retourne au Japon.
Des pois, lourds de symboles
Yayoi Kusama aime l’art, et pour cause : il s’agit d’une passion lui permettant de soigner les troubles de son âme, lui permettant d’apaiser son anxiété. Le pois, symbole omniprésent et signe distinctif des œuvres de Kusama [2], est en réalité un vestige d’une des premières hallucinations de l’artiste. Profondément contradictoires, ces pois sont la fois symboles d’individualité menacée (tous les pois se ressemblent, après tout) et manifestations d’un désir d’union (tous les pois peuvent se mêler dans une masse indistincte, formant un ensemble parfait).
Louis Vuitton, une source d’inspiration
En 2012, une première collaboration est réalisée entre Yayoi Kusama et Louis Vuitton, qui permettait de créer entre autres le sac Louis Vuitton Ellipse. Reprenant le sac brun aux monogrammes beiges iconique de Louis Vuitton, Kusama a pu y ajouter sa touche en y faisant figurer de multiples pois multicolores, reprenant le symbolisme de ces formes qui la passionnent tant [3]. Cette année, presque dix ans plus tard, Kusama et Louis Vuitton s’allient une fois de plus pour dévoiler une large collaboration, qui s’organise autour d’événements physiques, faits pour captiver et attirer l’attention, et qui ne sont pas sans rappeler les happenings que Kusama affectionne tant. En effet, dans les boutiques Louis Vuitton de Paris, Tokyo et Londres, un robot aux traits de l’artiste peint des pois sur les vitrines des magasins. Aux Champs-Elysées, une sculpture gigantesque de Kusama a même été installée. Tous les moyens sont utilisés pour faire la promotion de Yayoi Kusama, dont l’omniprésence sur la scène artistique depuis des dizaines d’années témoigne du génie de l’artiste.
Une actualité diverse et complète
L’actualité de Yayoi Kusama est toujours plus florissante. Après un film documentaire réalisé par Heather Lenz en 2018, Kusama : Infinity, qui retrace la vie et le parcours de l’artiste, c’est une bande-dessinée lui étant consacrée qui a été publiée en 2020 [4]. L’artiste italo-thaïlandaise Elisa Maceralli y représente les échecs et les réussites de Kusama, ainsi que son combat contre le conservatisme et le sexisme qu’elle a pu rencontrer lors de son enfance et tout au long de sa carrière. Sous les coups de crayon affutés et colorés de Maceralli, le parcours de vie de Yayoi Kusama devient accessible à tous.
Dès maintenant et jusqu’en 2024, une exposition consacrée à Kusama prend place au Tate Museum. Infinity Mirrored Room – Filled with the Brilliance of Life [5] est une immense exhibition qui joue avec des miroirs afin de créer une illusion de l’infini. Grâce à cette installation astucieuse, l’art de Kusama semble ne plus rencontrer de limites ni de bordures, et s’étend vers l’horizon sans rencontrer d’obstacles.
Kusama (bande dessinée), Elisa Maccellari :
https://www.fnac.com/a14395825/Elisa-Maccellari-Kusama#omnsearchpos=1
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