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Les secrets de la fermentation à travers le monde

13 juillet 202321 min read

Grâce à un processus spontané provoqué par des micro-organismes, toute matière organique est capable de fermenter. On utilise ce procédé pour modifier les qualités gustatives d’un produit. De nombreux produits de nos assiettes sont fabriqués grâce à cette technique : fromage, vin, bière, kombucha…. Plusieurs types de fermentation existent, caractérisés par la matière première et les micro-organismes présents.

La fermentation, technique et processus

Depuis des millénaires, la fermentation des aliments a permis le stockage et la conservation des aliments. Elle permet aussi une grande variété de goûts. En effet, aux quatre coins du monde, c’est une technique de transformation aux grandes valeurs gustatives, qui permet de développer des caractéristiques gastronomiques. Mais comment se produit la fermentation ? Elle est provoquée par des micro-organismes de forme très diverses, qui peuvent être bactérieslevures ou moisissures. Ces formes vivantes se multiplient rapidement, sont invisibles à l’œil nu, et présentes en grande quantité dans notre environnement. Ils peuvent être utiles ou nuisibles : certains peuvent nous rendre malades et d’autres peuvent transformer un aliment.

Les fermentations

Tout produit alimentaire peut être fermenté : viande, lait, céréales, fruits, légumes. Pour se nourrir, les ferments présents dans la matière première transforment les sucres et les protéines en alcool, acide et gaz carbonique qui modifient à leur tour leur milieu et empêchent la multiplication de micro-organismes indésirables. Les aliments issus de ces fermentations nous sont familiers, nous les utilisons régulièrement. Les yoghourts sont des laits fermentés. L’acide lactique produit par la transformation du lactose par les bactéries, fait coaguler la caséine qui forme alors un gel. C’est une fermentation lactique. Dans la fabrication du fromage, s’ajoute à la fermentation lactique l’action de la présure.

Aussi, tous les fruits peuvent donner des vins. Les levures, présentes naturellement sur leur surface, entrent en contact avec leur jus sucré lors du foulage et transforment le sucre en alcool avec dégagement de CO2. C’est une fermentation alcoolique.

Les vinaigres sont fabriqués à partir de jus de fruits grâce à une double fermentation : alcoolique, puis acétique. Les bactéries acétiques se développent d’abord rapidement à la surface des jus de fruits fermentés et forment un voile appelé mère de vinaigre. Ensuite, elles transforment l’alcool produit par la fermentation du jus de fruits en acide acétique. Le pain est préparé à partir d’une pâte faite de farine, d’eau et de sel, à laquelle le boulanger ajoute des ferments sous forme de levain ou de levure. Dans le cas d’un pain au levain, nous sommes en présence de deux fermentations simultanéesalcoolique et lactique.

Le faisandage, une fermentation très particulière

Entre fermentation et décomposition, la limite est très étroite quand il s’agit de faisandage. En effet, le faisandage est une fermentation qui transforme le goût et la texture de la chair animale. D’ailleurs, d’où vient ce nom ? Cette pratique était très appréciée de nos ancêtres qui suspendaient un faisan par le cou et attendaient que le corps se détache de la tête avant de le consommer. Pratique qui peut nous choquer aujourd’hui…mais qui était très répandue à l’époque. Cette différence varie selon les cultures : l’aliment fermenté peut être savoureux pour certains et répugner d’autres qui le considèrent déjà comme pourri.

Découvrons à présent les techniques de fermentation utilisées à travers le monde et les aliments privilégiés d’un pays à l’autre.

Le vin en Ombrie, Italie

La fabrication du vin passe par la vendange et le pressage du raisin. Dans cette région d’Italie, on cueille différentes variétés de raisin, du raisin blanc et du raisin noir. Après la cueillette, celui-ci est pressé à l’aide d’une ingénieuse presse mécanique possédant deux rouleaux en bois avec des encoches emboîtantes qu’on fait tourner à l’aide d’une manivelle. Les rouleaux sont surmontés par une trémie en bois qu’on remplit sans interruption de raisin. Quand on tourne la manivelle, les grappes passent entre les rouleaux et le jus se déverse dans un récipient placé en dessous. Le pressage produit une masse de peaux de raisin, de queues et de pulpe baignant dans le jus. Une fois le raisin pressé, le jus repose pendant plusieurs heures, jusqu’à devenir mousseux. Le raisin mûr est très riche en nutriments, en levures. Ainsi, sa fermentation vigoureuse commence presque immédiatement. Après fermentation du raisin dans des récipients ouverts pendant les premiers jours de gelées blanches, on filtre le liquide, presse le jus en cours de fermentation encore prisonnier des drêches solides et on le transvase dans un tonneau équipé d’un barboteur. Il est assez facile de faire son vin dans un endroit où le raisin pousse sans peine, et avec un minimum d’équipement particulier.

La fermentation du vin

La chicha en Amérique du Sud

La chicha englobe de nombreuses boissons sud-américaines, à base de maïs, mais aussi d’autres céréales, de tubercules, de fruits, de miel, de sucre et autres. Ce qui nous intéresse ici est la bière de maïs sud-américaine. Elle accompagne les célébrations et les cérémonies rituelles, mais on l’utilise aussi en cuisine pour des marinades, des ragoûts et des sauces : c’est un « ingrédient primordial ». Comme tous les alcools fermentés, la chicha tourne en vinaigre au bout de quelque temps, permettant de nombreuses autres utilisations culinaires. Les femmes en sont les productrices traditionnelles. Elles la préparent dans de grands pots de terre cuite, parfois aussi dans des gourdes, qu’on ne lave pas entre deux fermentations. Ces récipients sont transmis de génération en génération et deviennent le moyen de perpétuer la chicha. Cette tradition peut paraître quasiment mystique… La mastication du maïs est clairement une façon ancienne de préparer la chicha, et elle subsisterait par endroits. Mais on utilise surtout des céréales maltées ou du sucre et/ou des fruits ajoutés. Une grande variété de chichas sont faites à partir d’autres ingrédients que le maïs, notamment en Colombie : la chicha de chontaduro, par exemple. Chontaduro désigne le petit fruit orange du palmier pêche (Bactris gasipaes), aussi appelé péjibaye. De couleur orange vif, elle est sucrée et pleine de pulpe. On la mélange avec de l’eau et du rapadura et on la laisse fermenter quelques jours. On trouve aussi la chicha de quinoa et d’amarante, douce, boisée et à faible taux d’alcool et la chicha à base de pois, arveja de firavitoba.

Les Femmes Indigènes Vendant Le Chicha Ont Fermenté La Bière De Maïs Au ...
Des femmes vendant la chicha

Le koji au Japon

Cette technique de fabrication du koji est partagée entre deux approches : l’approche traditionnelle et l’approche innovante. D’un côté, la culture japonaise insiste sur le respect de la tradition et dans le même temps, il est extrêmement réceptif à l’innovation technologique et s’est tourné vers les technologies microbiologiques dès leur apparition, se mettant très tôt à utiliser des cultures pures pour ses activateurs. On recueille les spores en suspension dans l’air (pas n’importe où, dans l’atelier de brassage où le saké est fabriqué depuis 350 ans) dans la chaleur estivale, à l’aide d’un substrat spécial. Pour favoriser Aspergillus oryzae et non un de ses Parents potentiellement toxique ou une autre moisissure, on ajoute au substrat de riz cuit une très petite proportion. Acalinisé par celle-ci, le riz attire les spores de l’air et le champignon du kojt se développe. Au lieu de récolter le Agitaubout de deux jours, quand les grains de riz sont recouverts d’un mycelium blanc comme la craie, on le laisse reposer pendant deux ou trois semaines afin qu’il sporule complètement, recouvrant les grains d’un feutre vert-jaune. A chaque fabrication de koji, on fait cuire du riz à la vapeur dans d’énormes cuves en bois. Puis on le sort et on l’emporte dans la salle à koji, où on mélange le tout à la main. Pendant 48 heures, on surveille la température du riz et on le mélange régulièrement à la main afin d’évacuer la chaleur accumulée au centre. On peut aussi le préparer avec une machine sophistiquée. Des sondes électroniques régulent la température et l’humidité du riz ainsi que les concentrations d’oxygène et de dioxyde de carbone. Des bras robotisés distribuent le riz, afin de libérer la chaleur qui s’accumule à mesure que la moisissure croît. Ce procédé nécessite moins de main-d’œuvre et produit un excellent koji.

Les graines de néré en Afrique de l’Ouest

Les graines de néré (Parkia biglobosa) et autres légumineuses sont très utilisées dans les cuisines d’Afrique de l’Ouest. Bien que ces graines soient très différentes du soja et exigent une transformation plus complexe, la bactérie dominante de leur fermentation est l’omniprésente Bacillus subtilis avec son odeur et son goût caractéristiques. Ces aliments fermentés portent de nombreux noms selon les différentes régions : soumbala, dawadawa, iru, ogiri, afiti, soubareh et netetou, etc. Par exemple, au Sierra Leone, une fois récoltées, les gousses sont écrasées manuellement et les graines sont lavées de la pulpe. Puis on les fait fermenter avec de la cendre de bois pendant trois ou quatre jours au moins, le temps que l’épais mésocarpe se décompose et ne laisse plus que le cotylédon brun. Les cotylédons sont ensuite mis à bouillir une journée entière, après quoi ils fermentent encore trois jours. Puis on les met à sécher plusieurs jours au soleil, jusqu’à ce qu’ils prennent une couleur d’un noir profond. Ils contiennent très peu d’eau, leur permettant d’être conservés des mois ou même des années sans se décomposer. À ce stade, le produit peut être vendu, conservé ou préparé en vue de sa consommation finale. Les hommes et les garçons s’occupent de la récolte et les femmes s’occupent de toutes les autres tâches, généralement durant la saison sèche. Au cours de la transformation finale, les graines séchées et noires sont grillées dans un petit pot jusqu’à ce qu’on les entende craquer, puis on les pile dans un mortier avec d’autres ingrédients tels que poivre, poisson ou sel, et on saupoudre le tout sur le riz cuit. Cette poudre peut aussi être ajoutée à des légumes verts comme les épinards, la pomme de terre ou les feuilles de manioc. Elle peut remplacer le poisson ou la viande dans les sauces. Elle peut aussi être consommée seule dans les soupes, notamment avec de la volaille, du gibier ou du poisson.

Le fromage dans le monde

Le fromage, bien connu en France, est quasiment sacré dans notre assiette. Mais nous oublions bien souvent que c’est un aliment fermenté, qui subit une transformation à partir du lait, puis se gorge d’éléments microbiens selon un procédé spécifique, avant de devenir la spécialité culinaire tant prisée par les Français, mais aussi à l’international. Il ne se limite pas aux papilles françaises…

Et si l’on parlait du fromage maison ? En Australie, de nombreuses personnes se sont adonnées à cette pratique. En échange du lait et de la viande des voisins qui élèvent des bêtes, on partage ses fromages et ses viandes séchées, ainsi que ses connaissances. Cela donne une touche tasmanienne aux fromages classiques. Le Romano est aromatisé avec du poivre de Tasmanie, le Valençay est saupoudré de cendre d’arroche locale, le camembert est fait avec du lait infusé de champignons séchés ramassés dans les environs. Le fromage est affiné à température ambiante fraîche de la maison, avec la recherche de procédés et d’environnements qui optimisent la moisissure et les bactéries indigènes bénéfiques. Qu’en est-il aux USA ? On élève et traie les troupeaux de chèvres. Le fromage obtenu survient à travers une transformation alchimique, qui permet d’obtenir une nourriture riche. Différents fromages frais traditionnels tels que le paneer indien et le queso fresco mexicain sont très prisés par les Américains. En effet, le lait cru et vieux est préféré au lait frais, car il est pré-fermenté. Un lait vieux et acide produit un caillé plus dense et un fromage plus ferme et plus homogène. Il est aussi possible de faire cailler le lait avec divers acides tels que le jus de choucroute, le jus de citron vert, le jus de citron et le vinaigre.

Ferments lactiques

Zoom sur Sandor Ellix Katz et “Le tour du monde de la fermentation”

Ce livre, loin de se limiter à des recettes de cuisine traditionnelles, est une invitation au voyage autour de rencontres magiques avec des jardiniers, des éleveurs, des agriculteurs, des jardiniers, et des personnes tout simplement passionnées par la nature et ses transformations. C’est à travers ces rencontres, toutes aussi riches les unes que les autres, que Sandor Ellix Katz, passionné de voyage et de cuisine, nous amène à découvrir les pratiques, les traditions et les expérimentations des cinq continents en matière de fermentation. Cet ouvrage ethno-culturel est aussi une ode ethno-culinaire car il célèbre la diversité dans ce procédé technique, selon les zones géographiques de la Terre et selon les cultures, qui ont chacune leurs traditions, leurs croyances et leurs pratiques. Semé d’aventures, de surprises, de découvertes, de remises en question, il nous transporte à la croisée des chemins de la nutrition, de la nature, du voyage et de la connaissance de l’autre, qui nous propose un nouveau regard sur la vie.

Au fil de l’histoire, des produits délicieux, bénéfiques pour la santé, uniques et authentiques ont été créés à travers le monde. Aujourd’hui, la fermentation gagne en popularité en tant que méthode de préparation naturelle et durable, offrant une variété de saveurs et d’avantages microbiens pour les consommateurs. Que vous soyez un voyageur curieux ou simplement à la recherche de nouvelles saveurs à essayer chez vous, explorer les différents types de fermentation à travers le monde est passionnant et enrichissant.

La fermentation nous offre une richesse alimentaire inestimable aux quatre coins du monde. C’est une technique toujours utilisée dans les cinq continents, qui permet de conserver les aliments et de diversifier les goûts et les saveurs de nos mets.

“Le tour du monde de la fermentation. Traditions, techniques et recettes”, 352 pages – 36 € – coll. Conseils d’expert

En librairie, magasins bio et sur www.terrevivante.org

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