Vous avez probablement entendu parler des microdoses de psilocybine ou de LSD qui augmentent la productivité et la créativité. Cette tendance, dont les startuppers de la Silicon Valley sont friands arrive désormais chez les employés en recherche de bien-être au travail.
En 2016, une expérience a été menée par une équipe de chercheurs américains. Ils ont donné aux participants une substance psychoactive, la psilocybine, présente dans les champignons hallucinogènes utilisés depuis des siècles par de nombreuses sociétés et civilisations traditionnelles.
D’où vient cette tendance de consommer des microdoses ?
Cette substance a peu été étudiée par les scientifiques, mais les bénéfices qu’on lui attribue sur le plan de la santé ont fait de la psilocybine un objet de curiosité au sein de la communauté des chercheurs. Le psychologue James Fadiman est parmi ceux qui ont le plus contribué à populariser la consommation de microdoses. En 2012, il a publié The Psychedelic Explorer’s Guide : Safe, Therapeutic, and Sacred Journey (Le guide de l’explorateur psychédélique : un voyage sans risque, thérapeutique et sacré), un livre dans lequel il présente « comment des doses extrêmement faibles de LSD améliorent le fonctionnement cognitif, l’équilibre émotionnel et l’endurance physique ». Il a établi un protocole pour mieux comprendre comment réagit l’organisme à la consommation de microdoses de substances psychédéliques.
En 2017, lors de la conférence Psychedelic Science en Californie, James Fadiman a évoqué les données récoltées au cours de ses travaux, ce qui a probablement aidé à mettre en lumière cette pratique. N’importe quel internaute peut d’ailleurs remplir un formulaire pour aider les chercheurs en évoquant son expérience. Les volontaires reçoivent des instructions sur la manière de consommer la drogue et le dosage par exemple. Une microdose de LSD est comprise entre 8 et 15 ml et entre 0,4 et 1,6 ml pour la psilocybine. Mais ces substances étant illégales, il n’y a évidemment pas d’informations sur la manière de s’en procurer. James Fadiman cherche à montrer que la consommation de microdoses de ces drogues pourraient développer la productivité et la créativité en plus d’aider les personnes souffrant de dépression que les médicaments habituels ne parviennent pas à soigner.
Un scientifique expérimente en vidéo
Hamilton Morris, est un scientifique et psychonaute. Il étudie la chimie et la pharmacologie des tryptamines à l’Université des Sciences à Philadelphie. Il est chercheur, mais est surtout célèbre pour ses reportages pour Harper’s Magazine, Vice et Playboy. Il est l’auteur de la série télévisée américaine, Hamilton’s Pharmacopeia, un voyage à travers l’histoire, la chimie et les impacts sociétaux des médicaments les plus extraordinaires au monde. Dans toute expérience psychédélique, la détermination de la dose est essentielle. Ceux qui ingèrent une mauvaise dose risquent de vivre des trips non désirés voir faire un bad trip. Certaines personnes vulnérables consommant du LSD de manière récréative peuvent même présenter des symptômes psychotiques. Il faut donc rester prudent et ce n’est pas parce que le microdosage est en vogue que l’on doit consommer des substances.
Hamilton détaille tout cela dans ses vidéos. Il a consacré un épisode entier aux champignons hallucinogènes dans lequel il explique que même s’ils sont issus d’une même souche, les champignons ne contiennent pas forcément les mêmes doses. La recherche à ce sujet n’en est encore qu’à ses premiers pas. Chaque drogue, selon sa composition, aura des effets différents sur le consommateur. Certaines provoquent des expériences plus personnelles, d’autres plus universelles. Il est donc important de poursuivre les recherches sur la sécurité et l’efficacité du microdosage de ces substances.
À quoi ressemble une expérience supervisée ?
Les séances mises en place par les chercheurs américains durent huit heures. Les participants, yeux clos, se concentrent sur leurs perceptions mentales. Les scientifiques notent tous les commentaires, que ce soit pendant la séance, juste après ou même des mois plus tard. De nombreux participants affirment que ce qu’ils ont vécu lors de ces expériences a marqué durablement leur vie. La psilocybine provoque différents effets chez les consommateurs, certains sont positifs, d’autres le sont moins. Ces sensations, semblables à des drogues hallucinogènes comme le LSD (le diéthylamide de l’acide lysergique), la mescaline ou le DMT (diméthyltryptamine) sont multiples.
Structure de la molécule du LSD, voici une version psychédélique aux couleurs acidulées.
On compte par exemple des altérations de la perception (vue et audition), de la cognition, de la volonté, de la capacité à réfléchir, de l’humeur, des phénomènes de dissociation. Ceux qui ont participé à ces séances ont considéré ces effets comme subjectifs, personnels et ayant eu un impact positif sur leur comportement. Malgré tout, il est possible que la prise de ces substances provoque de la peur et de l’anxiété. Pour éviter ces effets négatifs, les séances se déroulent en présence d’un accompagnateur et la dose de psilocybine est mesurée avec soin. Elle correspond à environ 30 ml pour 70 kg du poids du participant.
Quels sont les résultats ?
- Augmentation de la pression sanguine et du rythme cardiaque qui se manifestent après 30 à 60 minutes.
- Activité motrice spontanée.
- Altération de la perception et de l’humeur (pseudo-hallucinations visuelles, illusions, synesthésie -la synesthésie est un phénomène neurologique non pathologique qui correspond à l’association de sens-, sensation de transcendance, joie ou anxiété).
- Altération de la cognition : le sens de certains concepts, de certaines idées.
- Les deux tiers des participants interrogés affirment avoir vécu une expérience mystique.
- Les effets, deux mois après l’ingestion, persistent. On note en particulier un renforcement des attitudes positives, une amélioration de l’humeur, de la sociabilité, du comportement. Deux répondants sur trois ont affirmé que la prise de psilocybine constituait l’une des expériences les plus significatives de leur vie.
- La prise de psilocybine ne semble pas avoir de répercussion sur la personnalité des participants.
- En début de session, les participants éprouvent une certaine anxiété face à une expérience nouvelle et déstabilisante. 30 % d’entre eux affirment avoir ressenti de la peur. Ces sentiments se sont toutefois dissipés après la transe.
Les résultats de l’expérience pointent vers plusieurs pistes intéressantes pour la recherche, notamment en ce qui concerne les problèmes de santé mentale croissants auxquels font face nos sociétés et pour lesquels les médicaments sont plus ou moins efficaces ou présentent d’importants effets secondaires.
L’espace du point de vue d’un pilote intergalactique sous forme d’un mandala.
Des patients souffrant de dépression se sont vu administrer deux doses de psilocybine, une première dose de 10 ml et une semaine plus tard, une dose de 25 ml. Le niveau de tolérance des patients était bon et une diminution marquée des symptômes dépressifs a été notée pour les cinq premières semaines suivant le traitement. Les effets bénéfiques se sont maintenus lors de deux évaluations, 3 mois et 6 mois après l’expérience.
Ce qu’un individu va ressentir sous l’effet d’une substance hallucinogène est particulièrement dépendant du contexte dans lequel la séance se déroule. Le contexte diffère aussi selon le vécu du participant, ses appréhensions, la qualité du lien établi entre lui et l’accompagnateur, la musique qu’il écoute pendant la séance…
Comment s’inspirer de cette tendance sans consommer de microdoses ?
Ces recherches ont vocation à faire évoluer les traitements pour les dépressions sévères, mais il est possible de s’inspirer de ces expériences pour nous donner des idées pour obtenir des résultats similaires sans consommer de microdoses. D’un point de vue sociétal, nous devrions étudier les raisons pour lesquelles des personnes en bonne santé choisissent de consommer des drogues pour faire face à des conditions de travail exigeantes qui peuvent au bout du compte affecter la santé et le bien-être des individus.
Un homme avale une substance tandis que son troisième œil s’ouvre et que son esprit s’épand.
Les effets positifs sur les performances cérébrales et créatives ne doivent pas être un substitut à un environnement de travail sain. Si des employés ressentent le besoin de consommer des microdoses se sentir mieux, c’est que le problème est ailleurs. Plusieurs pratiques peuvent aider comme investir sur soi-même, développer ses soft skills, s’entourer de personnes avec qui on est à l’aise pour vivre et travailler, prendre soin de sa santé émotionnelle, développer sa créativité…
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Cet article n’est pas une incitation à la consommation de substances illicites.
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Sylvie Gendreau, Chargé de cours en créativité et innovation, Polytechnique Montréal