Now Reading: Métamorphoses du bijou – Retour d’exposition et livre

Loading
svg
Open

Métamorphoses du bijou – Retour d’exposition et livre

26 juillet 202311 min read

L’École des Arts Joailliers présente du 2 juin au 30 septembre 2023 une exposition inédite qui illustre la place singulière occupée par le bijou au tournant des XIXe et XXe siècles, à travers une sélection de près de 100 pièces provenant de collections muséales, patrimoniales et privées.

À partir des années 1880, l’esthétique connait une profonde évolution. Un imaginaire nouveau, enrichi par la diffusion extraordinaire des connaissances scientifiques, féconde toutes les sphères de l’art. À la fin du siècle ce mouvement converge en France vers l’Art nouveau, dans un souffle créateur qui vivifie le travail des ateliers. Loin d’être le simple reflet d’une histoire des formes qui s’écrit ailleurs, le bijou participe pleinement du regard émerveillé porté sur la nature et sur ses phénomènes.

Libre de toute finalité́ pratique et subissant comme seule contrainte celle qu’impose le travail des métaux et des pierres, l’objet précieux se prête admirablement à toutes sortes d’expérimentations, autorisant les combinaisons les plus variées et les fantaisies les plus évocatrices. Des artistes comme René Lalique, Georges Fouquet, Élisabeth Bonté, Victor Prouvé, Jean Dampt, Jules Desbois, Edward Colonna ou Eugène Grasset s’emparent alors d’un art dont le premier ressort de l’invention est la matière.

Exposition « Un art nouveau. Métamorphoses du bijou, 1880-1914 » L’École des Arts Joailliers.
Photo Benjamin Chelly

D’un point de vue technique, la caractéristique majeure est le mélange subtil entre pierres, métaux et matériaux de valeur différente, suivant la conviction que la beauté d’un bijou relève de sa conception artistique plutôt que du coût des éléments qui le composent. Ceux-ci, ductiles, colorés, chatoyants, donnent forme à des silhouettes féminines, à des rinceaux et à des fleurs, à des insectes ou encore à des arabesques envoutantes. Broches, peignes, pendentifs ou bagues empruntent les lignes souples de la vie, dans une diversité déroutante de thèmes relus souvent au prisme d’un onirisme fantastique.

Si au début des années 1910 les artistes se tournent vers une esthétique davantage inspiré par la géométrie, l’héritage fécond de l’Art nouveau est définitivement acquis : le décloisonnement des arts, le contact avec la science, l’assimilation d’une culture visuelle vivante auront définitivement ouvert l’art du bijou à la modernité.

Broche Femme et pieuvre, c. 1898 – 1900, Louis Aucoc, bijoutier, orfèvre (1850 – 1932) Or, émail, diamants, rubis, perles Inv. 1977/2 Schmuckmuseum Pforzheim © Rossella Froissart

Des chefs-d’œuvre en trois chapitres
Repartie en trois sections, l’exposition de L’École des Arts Joailliers permet de découvrir une évolution qui repose aussi bien sur l’utilisation de matières inusitées que sur l’adoption de nouveaux répertoires visuels.

1. Natures féeriques

Si les styles du passé ne sont pas oubliés, le symbolisme, qui apparaît dans les années 1880, les réenchante. Monstres et créatures hybrides peuplent un univers fantasmatique, à l’instar de la broche Sphinx de René Lalique ou de l’ornement de corsage Serpent de mer ailé, de Georges Fouquet.

2. Éclosions

L’essor extraordinaire de la botanique et l’intérêt pour les phénomènes de la génération et de la croissance incitent les artistes à associer la plante à la fluidité de la sève, signifiée par la courbe et l’entrelacs.

Associés au monde végétal, reptiles, insectes, batraciens sont le symbole d’une prolifération apparemment désordonnée et parfois monstrueuse. L’intérêt pour les manifestations de la vie, du mouvement et de l’évolution renouvelle la perception du thème antique des métamorphoses. René Lalique en est le plus libre interprète : une femme naît d’une tige et étire ses ailes de libellule, des créatures s’épanouissent en floraisons. Par son art consommé de l’émail, Lucien Hirtz donne vie à une forêt crépusculaire dont la luminosité diaphane orne une broche pour la maison Boucheron.

Lucien Hirtz pour la Maison Boucheron, La Forêt, broche, or vert et émail, 1910. Paris, collection Boucheron. Photo Benjamin Chelly

3. Abstractions

Enfin, la nature inspire par son processus de création même. L’infiniment petit, révélé sous la lentille du microscope comme cellule ou cristal, présente une structure géométrique abstraite et ordonnée. Ainsi, la nature n’est plus l’opposé de l’ornement abstrait, elle en est la source. En témoigne par exemple l’étincelant paysage marin qui recouvre de nacre et d’or le peigne en écaille de tortue réalisé par Georges Fouquet vers 1905.

Pendentif Algues, 1900
E. Colin & Cie (1875 – 1903)
Or, émail, perles
Chicago, The Richard H. Driehaus Collection
© The Richard H. Driehaus Collection, photo : Michael Tropea

Un regard sur une période faste de la création bijoutière

Sous le commissariat de Rossella Froissart (École Pratique des Hautes Études EPHE-PSL), l’exposition propose d’intégrer le bijou français des décennies 1880-1914 dans un discours historique plus large, qui n’enserre pas les créations dans la grille réductrice d’une étiquette stylistique. Afin de rendre au courant qu’il est convenu de qualifier d’Art nouveau sa complexité, quelque cent pièces ont été sélectionnées, provenant d’une dizaine de prêteurs parmi les plus prestigieux, tels le musée Lalique de Wingen-sur-Moder, le musée des Arts décoratifs de Paris, le musée d’Orsay, le Schmuckmuseum de Pforzheim (Allemagne) ou encore l’exceptionnelle collection privée Albion Art.

René Lalique, Broche aux quatre libellules, vers 1903-1904 ©musée des beaux-arts de Quimper

L’approche inédite choisie par l’exposition répond pleinement aux missions scientifiques que L’École des Arts Joailliers s’est donnée depuis sa création en 2012, grâce au soutien de la Maison Van Cleef & Arpels. Par les cours proposés ainsi que par les conférences et les ateliers, par les expositions, les publications, ou encore la recherche, L’École des Arts Joailliers s’attache à faire rayonner l’art du bijou dans toutes ses dimensions.

Broche, c. 1910 – 1915 René Lalique, verrier, bijoutier, joaillier (1860 – 1945) Perle, miroir, métal Wingen-sur-Moder, Musée Lalique Dépôt Shai Bandmann & Ronald Ooi Photo : Musée Lalique © Karine Faby

A l’issue de l’évènement, le livre copublié par l’Ecole des Arts joailliers et Norma Editions intitulé  » Un art nouveau. Métamorphoses du bijou. 1880-1914  » met en lumière cet art décoratif de premier plan qui accompagne le romantisme dans ses derniers feux avant d’adopter le répertoire Art nouveau naissant. Accompagné d’un glossaire des matériaux et techniques et de notices biographiques des principaux acteurs de l’époque, cet ouvrage permet de comprendre la richesse et l’évolution stylistique du bijou et de le replacer dans l’art de son temps.

Rossella Froissart, commissaire de l’exposition et Directrice d’études à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE-PSL), avec la collaboration de Florent Guérif, doctorant à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE-PSL) et enseignant à l’École du Louvre, et de Paul Paradis, historien de l’art et professeur à L’École des Arts Joailliers.

Exposition gratuite à l’École des Arts Joailliers – Place Vendôme

31 rue Danielle Casanova  75001 Paris
Du lundi au samedi, de 11h à 19h Nocturne le jeudi jusqu’à 20h.

Tagged In:#art nouveau,
Loading
svg