Une œuvre emblématique de l’anarchie avec trois cent comédiens et une quarantaine de célébrités. L’an 01 explore les conséquences d’une société qui prend des mesures radicales : abandonner l’économie de marché, la propriété et le productivisme au profit d’une utopie consensuelle, bienveillante et festive.
En 1970 Gébé publie ses premières planches de “L’An 01” dans Charlie Hebdo; le premier livre qui les recueille paraît un an plus tard. En 1973, sort le film éponyme réalisé par Jacques Doillon, avec la participation d’Alain Resnais, de Jean Rouch et un casting impressionnant, notamment : Daniel Auteuil, Josiane Balasko, Cabu, Thierry Lhermitte, Coluche, Jacques Higelin, Miou-Miou, François Cavanna, Professeur Choron, Gérard Jugnot, Daniel Prévost, Philippe Starck, Gotlib, Patrice Leconte, Gérard Depardieu et la voix de Stan Lee (Marvel) !
C’est l’histoire d’une œuvre collective hors du commun qui a mobilisé plus de trois cent comédiens professionnels et amateurs recrutés via le courrier des lecteurs de ce même hebdomadaire. Jacques Doillon confie « Je n’ai jamais été un cinéaste militant, ce qui m’amusait, c’était de me mettre au service de Gébé ». Ce long-métrage nous montre la vie d’habitants qui ont décidé de vivre dans une société utopique où règnent la solidarité, la créativité et l’échange. « l’utopie, ça réduit à la cuisson, c’est pourquoi il en faut énormément au départ » dira Gébé à propos de l’adaptation à l’image de ses idées.
Une société post-capitaliste
Cette fiction remet en question le modèle économique dominant basé sur la croissance infinie et la consommation effrénée que nous connaissons aujourd’hui. Les personnages décident de renoncer à leur mode de vie aliénant pour se libérer de la tyrannie du travail, de l’argent et de la propriété. Ils mettent en avant l’importance de préserver l’environnement naturel, de respecter la nature et de vivre en harmonie avec elle. La population décide d’un certain nombre de résolutions dont la 1ère est « On arrête tout » et la 2ème « Après un temps d’arrêt total, ne seront animés que les services et les productions dont le manque se révélera intolérable« . L’entrée en vigueur de ces résolutions correspond au premier jour d’une ère nouvelle, l’an 01.
Gébé arrête tout également. Il quitte sur un coup de tête son travail de dessinateur industriel à la SNCF pour se consacrer aux dessins humoristiques des revues Pilote, Hara-Kiri ou encore Charlie Hebdo dont il sera le rédacteur en chef de 1971 à 1985. Gébé dira “Ce film ressemble à mes dessins à peu près autant qu’une caméra ressemble à un crayon ». En effet, les séquences du film s’enchaînent souvent sans transitions, à la manière de cases de bande dessinée.
Anarchie
Les personnages s’organisent sans hiérarchie, sans chef et sans contraintes, ce qui peut sembler irréaliste. L’anarchie est centrale dans cette comédie. Cette notion est souvent mal comprise et assimilée à un chaos total. Mais dans son sens originel, elle désigne une recherche d’organisation sociale basée sur la coopération et l’autonomie des individus.
Rockthem – Mashup électro entre les films Themrock et L’an 01 réalisé par DJ Oof
Propriété privée ?
Dans cette société post-capitaliste, les biens et les ressources sont partagés de manière équitable entre tous. “L’an 01” réussit le tour de force d’éviter toute représentation de conflit suscité par cette utopie et comporte la légèreté et la poésie qui manque aux révolutions. Les grands idéaux qui traversent les années 70 sont représentés : réduction du temps de travail, abolition du patronat et de la propriété privée, remise en cause du matérialisme, amour libre…. Une séquence poignante est lorsque tout le monde jette les clés de leurs habitations. Cette nouvelle conception de la propriété conduit à une plus grande liberté individuelle. L’idée d’une démobilisation générale récolte l’unanimité, qui rend obsolète le « monde d’avant ».
« La rébellion non violente, lance un pont invisible dont l’arche enjambe le décevant avenir prévisible et touche une rive inconnue, vierge, où l’avenir pourrait prendre un cours différent », écrit Gébé quelques années avant sa disparition en 2004.
Cet ovni cinématographique appelle à la transition et à la prise de conscience de l’urgence de la situation environnementale actuelle. Alors en attendant que le monde d’après pointe le bout de son nez, “on arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste”. En 2021, est sortie une édition collector remasterisée avec le DVD du film « L’an 01”, le DVD de bonus et le livret rédigé par Marc Toullec (76 pages).
https://www.lcj-editions.com/module/iqitsearch/searchiqit?s=an+01
Lien du film en entier pour le visionner :
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